Tous les 1er mai, depuis 1886, on célèbre la Journée internationale des travailleurs/travailleuses.  Pour les mouvements de solidarité, dont les syndicats, c'est une journée symbolique très importante.  Ce n'est pas la « Fête du Travail ».  Les 1er mai, nous saluons le courage de tous les gens sur Terre qui luttent pour leurs droits.

À Québec, depuis plusieurs années maintenant, il s'est développé une belle tradition d'unir le plus possible les gens de divers mouvements sociaux, luttant pour les droits et à la dignité, que vous soyez sans emploi, sur l'aide sociale, employés non syndiqués, etc.

En Amérique du Nord, dont au Québec, nous avons une journée fériée en septembre appelée la Fête du Travail, mais l'esprit n'est pas le même et, surtout, à travers le monde on manifeste plutôt le 1er mai.

L'esprit du 1er mai, depuis plus d'un siècle, est de célébrer les luttes populaires et syndicales, c'est-à-dire que c'est souvent une occasion de solidarité entre diverses catégories de gens, dont les personnes sans emploi.  Tellement qu'à Québec, par exemple, les groupes communautaires en défense de droits et les syndicats célèbrent ensemble, en affirmant des revendications qui incluent aussi les personnes à l'aide sociale, prestataires de l'assurance-emploi, etc.

En fait, il faut savoir que les droits du travail sont souvent des droits humains fondamentaux. Un bon exemple étant la liberté fondamentale de s'associer ou de se syndiquer.  Même que, à travers le monde, à chaque année les 1er mai, des gens sont tués par des forces de répression en revendiquant des droits humains fondamentaux. Donc, il ne faut pas prendre cela trop à la légère.

Nous n'allons pas parler des autres pays le 1er mai à Québec : nous allons plutôt parler de nos vies actuelles...

Histoire : pourquoi c'est le 1er mai ?

La date du 1er mai en soi n'a pas été choisie au hasard : cette date vise à nous rappeler que des gens ont lutté, ont souffert et plusieurs sont morts pour les droits et les services qu'on prend pour acquis aujourd'hui.

En 1884, les syndicats aux États-Unis décident qu'ils se donnent deux années pour imposer aux patrons la journée de 8 heures de travail.  Les syndicats avaient choisi le 1er mai comme journée d'actions parce que c'était, chaque année, la date des fins de contrats où beaucoup de gens se retrouvaient à la porte.

Les syndicats veulent réussir en deux années et, deux années plus tard, le 1er mai 1886, environ 360 000 milles personnes sont en grève générale à travers les États-Unis. À Chicago, après trois jours de grève, il y a de la répression où trois grévistes sont tués et il reste seulement 200 personnes sur la place publique Haymarket face à environ 200 policiers.  Une bombe explose tuant un policier et cela va créer une confrontation violente où sept autres policiers meurent.  Le système judiciaire à l'époque, au lieu de chercher à savoir qui vraiment était responsable de la bombe, a plutôt choisi la vengeance en faisant pendre cinq anarchistes et trois autres personnes sont emprisonnées à vie.

Une des personnes pendues a déclaré avant sa mort « Le jour viendra où notre silence sera plus puissant que les voix que vous étranglez aujourd’hui ».   Si j'interprète un peu, les gens disparus sont peut-être silencieux, mais ne seront pas oubliés pour autant.  Et, effectivement, tous les 1er mai, depuis plus d'un siècle, on manifeste à travers le monde pour toutes les voix étouffées, les millions de gens ignorés dont la dignité humaine n'est pas respectée.

Défaitisme et cynisme

Personnellement, je trouve qu'il y a beaucoup de défaitisme et de cynisme aujourd'hui et bien des gens croient que rien n'a changé depuis le début de nos civilisations.  Je comprends qu'on peut conclure que la nature humaine ou la nature de nos conflits n'ont pas changé en profondeur, et nos défis écologiques peuvent nous décourager ces temps-ci, mais dire que rien n'a changé c'est pour moi une fausse perception de notre histoire.  Il y a à peine 30 ans au Québec, quand on voulait former un syndicat, dans un hôtel par exemple, il y avait des gens payés pour intimider et de la violence.  Et je dis ça en pensant à des cas réels à Québec il y a 35 ans.

Les normes minimales du travail que l'on connaît aujourd'hui au Canada ont commencé à être appliquées surtout après 1919 à Winnipeg où il a fallu une grève générale vraiment massive : environ 30 000 personnes ont arrêté de travailler.  Certaines ont été tuées d'ailleurs.  Cela a été un moment historique très fort au Canada qui a impulsé ensuite beaucoup de changements.

Et au-delà du travail en soi, je rappelle aussi qu'avant les années 60 —les années 60 c'est pas si loin— les soins de santé au Québec et au Canada étaient surtout privés.  Les droits des femmes aussi c'est assez récent et toutes ces victoires, même si elles ne sont pas directement liées au travail, ont évidemment un impact sur nos conditions au travail.  En fait, la plupart des services publics et des assurances publiques aujourd'hui font suite à des luttes où les syndicats ont été solidaires de causes sociales.

Autrement dit, tous les gens sont la bienvenue le 1er mai à Québec.

- Michaël Lessard, responsable du Média RéseauForum, présentation en 2014 pour l'émission de radio Le Grain de sable d'ATTAC Québec.
( adapté de l'oral à l'écrit en 2015 )